« Fallait pas supprimer », le vengeur masqué de Twitter

Mardi 5 Mars 2019

Il exhume les tweets supprimés et les contenus embarrassants. Son dernier fait d’armes : les messages haineux d’un cadre de Nocibé, qui vient d’être suspendu de ses fonctions.

Par Stéphanie Marteau Publié le 01 mars 2019 à 10h35 - Mis à jour le 03 mars 2019 à 10h27

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Le créateur du compte « Fallait pas supprimer », qui souhaite rester anonyme, recense et exhume les tweets embarrassants effacés par leurs auteurs. 12ebaf3_2019030245.0.2264818896Twittos_2 Le créateur du compte « Fallait pas supprimer », qui souhaite rester anonyme, recense et exhume les tweets embarrassants effacés par leurs auteurs. CAPTURE D'ECRAN/ TWITTER

Tapi derrière son écran, le doigt rivé sur la touche « screenshot », il guette les faux pas des tweetos et les reculades qui s’ensuivent. L’animateur anonyme du compte Twitter « Fallait pas supprimer », 36 000 followers, est en passe de devenir une petite vedette. Et un objet de polémique. Il faut dire qu’il dégaine vite, et que l’exercice auquel il se livre – recueillir les tweets supprimés et les contenus embarrassants – fait de plus en plus souvent mouche. Lundi 25 février, il épinglait un tweet haineux du directeur marketing de Nocibé envers l’humoriste Yassine Belattar. Ce cadre a, depuis, été suspendu de ses fonctions par la chaîne de magasins de cosmétiques.

Gros craquage du directeur marketing de Nocibé, Alain BIZEUL Suivi d'un changement de "@" @ALAINBIZEUL ➡️… https://t.co/Nv6pFDXD7D

— FallaitPasSuppr (@Fallait Pas Supprimer 📸)

C’est lui qui a exhumé les tweets racistes et antisémites de l’avocate Emmanuelle Gave, qui annonçait qu’elle serait « en position éligible » sur la liste du parti souverainiste Debout la France aux élections européennes de mai. Face au scandale, Nicolas Dupont-Aignan a dû annoncer, le 20 février, qu’il n’en serait rien.

Elle est unique en son genre car : - elle me suit ET - elle vient de supprimer 10 000 tweets en 48h 😂 https://t.co/wZDQVG1RHw

— FallaitPasSuppr (@Fallait Pas Supprimer 📸)

C’est aussi « Fallait pas supprimer » qui a révélé la fébrilité des membres de la Ligue du LOL, une trentaine de journalistes et de communicants accusés de harcèlement sexuel ou homophobe en ligne. Quelques heures après que l’affaire eut éclaté, le 8 février, « Fallait pas supprimer » publiait, en direct, le nombre de tweets que chacun d’entre eux était en train d’effacer… Une vague de nettoyage inédite.

Qui est à la manœuvre, derrière ce compte ? Un homme, pour ce que l’on en sait. « Je ne communique aucune donnée personnelle. Vous ne saurez pas “d’où je parle” », nous écrit-il depuis la messagerie chiffrée ProtonMail. Il a créé « Fallait pas supprimer » en décembre 2017, inspiré par le site américain Web Archive et la démarche d’un anti-Trump qui compile tous les tweets (y compris ceux effacés) du président américain.

« Coup de pression »

L’élément déclencheur fut la suppression de deux posts gênants par Antoine Griezmann, alors englué dans la controverse déclenchée par son « blackface » – le footballeur s’était grimé en basketteur noir des Harlem Globetrotters. « C’était comme prétendre que “rien ne s’était passé” », explique le justicier de la transparence, pour qui un tweet effacé en dit plus que mille autres : « Certaines suppressions révèlent une des faces cachées d’un tweeto, une réaction “à chaud”, un tweet sous le coup de la colère, de l’émotion, un tweet supprimé à la suite de pressions… » A ceux qu’il épingle et qui tentent de se justifier, il assène : « Ma fonction est d’exposer ce que tu supprimes, pas les explications qui vont avec. » Sans pitié.



Source : https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/03/01...